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Parcours de création : Octave De Gaulle, space designer

L'Atelier de Sèvres fête ses 40 ans. 40 années au service de la création contemporaine, dans tous les domaines de l'art et du cinéma d'animation. 40 promotions d'élèves devenus aujourd'hui des artistes reconnus en France et dans le monde entier. Découvrez les portraits de ces anciens élèves qui font aujourd'hui la valeur de notre établissement.

Octave De Gaulle, space designer, ancien élève de l'Atelier de Sèvres

Entretien réalisé par Nadine Vasseur

Octave de Gaulle est designer pour les vaisseaux spatiaux. Il imagine et réalise des meubles et des objets capables de répondre aux défis de l’apesanteur. « C’est une niche, c’est sûr ! Mes objets ne seront pas vendus en boutique mais c’est absolument passionnant. » Il faut remonter à Raymond Loewy qui, dans les années 1960 et 1970 a travaillé avec la NASA, pour trouver un ingénieur industriel qui, comme lui, s’est penché sur le mode de vie des astronautes, par-delà les seules contraintes techniques. « Raymond Loewy est le premier à avoir évoqué, par exemple, le problème de l’hygiène dans l’espace. On lui doit notamment l’aménagement de la station Skylab qui était équipé d’une douche. » Comment accompagner dans l’espace des gestes et des rituels qui sur terre nous semblent évidents ? Que reste-t-il d’une table quand on ne peut rien poser dessus, que ses pieds n’ont plus aucune utilité ? Ces questions font partie de celles que se pose Octave de Gaulle, et auxquelles il s’efforce de répondre en termes d’ergonomie mais aussi en accord avec ce qui fonde la culture humaine. « Envoyer des hommes et des femmes dans l’espace, ce n’est pas envoyer des machines. Nos objets, une fois dépouillés de leurs propriétés physiques du fait de l’apesanteur, gardent des propriétés sociétales. Par exemple la table y garde une  fonction essentielle qui est de permettre à des hommes de se réunir autour d’elle ».  Quand on lui demande sur quoi exactement il travaille, Octave de Gaulle répond : « Sur les formes, sur les rituels et sur les signes ». Enfant, Octave de Gaulle, n’était pas un fou d’astronomie. Il n’était fasciné ni par les cosmonautes, ni par les télescopes ni par les astres. Son intérêt pour l’espace est venu au fur et à mesure de ses études. Titulaire d’un bac scientifique, il aurait pu devenir ingénieur mais ce qu’il adore, avant tout, c’est dessiner. Il décide donc de s’inscrire à l’Atelier de Sèvres sans trop savoir ce qu’il vient y chercher. « Je n’ai pas mesuré tout de suite la richesse de l’enseignement que j’y recevais, son incroyable ouverture à toutes sortes de disciplines, son approche généraliste du savoir et de la créativité. Par-delà le seul plan scolaire  puis professionnel, il m’a aidé, je le sais maintenant, à mieux me connaître et à trouver ma voie. Le véritable déclic a eu lieu au cours de ma deuxième année quand, encouragé par mes professeurs, j’ai passé le concours de deux écoles de design l’ENSCI (Ecole nationale supérieure de création industrielle) et l’ECAL (Ecole cantonale d’art de Lausanne). J’avais découvert le métier que j’aime. » 

Lorsqu’Octave de Gaulle sort diplômé de l’ENSCI avec les félicitations du jury en 2013, l’un de ses premiers sujets de recherche a pour thème « boire un verre de vin dans l’espace ».  « Il fallait bien sûr trouver une solution technique pour que le liquide s’écoule mais aussi transposer dans le monde de l’apesanteur la dimension culturelle et conviviale de boire du vin. Dans l’espace on boit avec une paille, ce qui est un déni total de toutes nos pratiques liées au vin ».  C’est en repensant à une image de l’Album de Tintin On a marché sur la lune, où le Capitaine Haddock tente d’attraper son whisky qui flotte en boules dans l’air, que lui vient l’idée de créer une bouteille et des verres permettant d‘attraper des bulles de vin. « Courir après du liquide, c’est beau, c’est poétique, j’ai eu envie de le rendre possible dans l’espace, de réenchanter en quelque sorte la vie spatiale ».

Depuis quatre ans, Octave de Gaulle poursuit l’expérience avec le Champagne Mumm, son premier client, et des scientifiques du CNES (Centre national d’études spatiales) en vue d’organiser une dégustation dans l’espace.  « Le projet peut sembler fou mais ce n’est pas voir qu’après avoir été pendant cinquante ans un espace d’occupation militaire, puis pendant vingt ans un espace d’exploration scientifique, on assiste aujourd’hui à un développement civil du spatial. Dans la prochaine grande station mise en orbite autour de la lune, seront envoyés des scientifiques mais aussi des enseignants, des explorateurs, des artistes, des poètes. D’ores et déjà, la première exploration civile, organisée par un milliardaire japonais, est annoncée pour 2023. » Pour réaliser ses projets, qui concernent aussi par exemple un nouveau mode de rangement des objets pour éviter qu’ils se promènent dans l’habitacle, Octave de Gaulle a dû tester lui-même l’apesanteur. L’expérience a consisté à faire plusieurs vols dans une sorte d’avion laboratoire, piloté par Thomas Pesquet, permettant d’expérimenter 22 fois 15 secondes d’apesanteur. Mais c’est aussi en discutant avec le célèbre astronaute Jean François Clervoy, qui est devenu son ami, qu’il progresse  dans ses réflexions. « Pour comprendre ce qui se passe là-haut et ce dont les cosmonautes ont besoin, il faut interroger ceux qui comme lui y sont allés. »

 

L'auteur
Nadine Vasseur est journaliste et écrivain. Productrice du magazine Panorama sur France Culture pendant quinze ans, elle est, par ailleurs l'auteur de nombreux livres d'entretiens et de livre d'art parmi lesquels " Les Plis" et "Les Incertitudes du corps" parus aux éditions du Seuil. Elle a publié en 2019 "Simone Veil. Vie publique. Archives privées" aux éditions Tohu Bohu.

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