Parcours de création : Tom Haugomat, illustrateur
L'Atelier de Sèvres fête ses 40 ans. 40 années au service de la création contemporaine, dans tous les domaines de l'art et du cinéma d'animation. 40 promotions d'élèves devenus aujourd'hui des artistes reconnus en France et dans le monde entier. Découvrez les portraits de ces anciens élèves qui font aujourd'hui la valeur de notre établissement.
Tom Haugomat, illustrateur, élève de l'Atelier de Sèvres en 2005
Entretien réalisé par Nadine Vasseur
Réalisateur de films d’animation publicitaires mais aussi de films d’auteur, illustrateur de presse, illustrateur et auteur dans l’édition, Tom Haugomat décline sur des supports variés son style graphique et épuré, sa gamme de couleurs volontairement restreinte, sa prédilection pour le blanc et ses personnages sans visage, son esthétique naïve doublée d’un charme énigmatique. « Mais un style ne nait pas comme ça, tient-il à rappeler. Cela a pris du temps ! » Quand il intègre l’Atelier de Sèvres, c’est avec l’objectif de faire de l’animation. « J’ai un souvenir assez grisant de l’année que j’ai passé à l’école. Il faut dire qu’au lycée j’avais plutôt été un mauvais élève, et voilà que soudain ici j’avais de bonnes notes ! L’Atelier de Sèvres valorisait tout ce qui était créatif, cela me convenait et je me suis beaucoup investi ; tout en travaillant néanmoins la technique. Je dessinais depuis toujours mais j’avais beaucoup de mal avec le dessin d’observation, je ne maîtrisais pas du tout le dessin de nu. Les cours que j’ai reçus ici m’ont fait énormément progresser. Ce qui m’a bien sûr été très utile par la suite en animation. »
Tom Haugomat est reçu au concours des Arts décoratifs ainsi qu’à celui des Gobelins et choisit cette dernière école pour son approche très technique. C’est là qu’il se lie d’amitié avec un autre étudiant, Bruno Mangyoku (lui-même ancien élève de l’Atelier de Sèvres !) avec lequel il réalise de nombreux projets. « C’est avec lui que j’ai fait mon premier film d’animation qui s’intitule Jean François. Nous l’avions commencé au cours de notre dernière année d’études et finalement le film a obtenu le Prix de la Meilleure première œuvre au festival d’animation d’Annecy en 2009. » L’année suivante il est diffusé sur la chaîne Arte. « Jean François met en scène un personnage, trop grand, pas à sa place, qui tente sans succès d’atteindre une bouée et qui parviendra finalement à l’atteindre d’une autre manière. C’est un film qui est lié, je crois, à l’angoisse que nous avions de devoir entrer dans le monde du travail, qui parle de notre difficulté à grandir ». Peu après, les deux amis, réalisent Nuisible, un film cette fois préacheté par Arte, qui raconte l’histoire d’un petit garçon qui a du mal à accepter la venue de son petit frère.
Parallèlement à ses projets personnels, Tom Haugomat travaille pour gagner sa vie pour la société de production en animation Cube Creative, puis pour Xilam où il réalise les génériques pour des séries animées. C’est à la même époque qu’il est contacté par un éditeur pour illustrer le texte du livre Marche où rêve. « C’est ce qui m’a ouvert les portes de l’illustration. J’ai ensuite envoyé mon book à droite et à gauche et le premier journal à m’avoir contacté c’est la Revue XXI qui m’a commandé des illustrations pour un article sur l’Affaire Madoff. J’ai ensuite dessiné pour Le Monde. A la suite de quoi, j’ai décidé de m’installer comme illustrateur free-lance. Pendant un an, j’ai dû prospecter pour obtenir des contrats puis les propositions se sont enchaînées. J’ai dessiné pour Le Nouvel Observateur, Le Parisien, Times, le New York Times… Aujourd’hui je ne travaille plus que pour les supports qui m’intéressent comme Ameria, Le 1 ou Zadig ; ce qui me fait vivre, c’est la publicité. » Tom Haugomat a illustré des campagnes publicitaires notamment pour Air France, la SNCF, et même pour les vitrines de Noël du magasin Le Printemps dont il a réalisé les animations et les affiches. Il travaille surtout beaucoup pour des compagnies américaines.
En même temps que ces commandes, il poursuit un travail personnel. « C’est très important car les commandes, ça va très vite, ça ne permet pas de travailler en profondeur. Après Marche ou rêve, j’ai travaillé sur le livre Hors- pistes avec l’écrivain Maylis de Kerangal. C’était passionnant car je réalisais des dessins à partir desquels elle devait imaginer une histoire. » Son premier livre en tant qu’auteur et illustrateur est A travers, un ouvrage sur lequel il a travaillé pendant cinq ans et qui a été couronné par de nombreux prix en France et aux Etats Unis. « Il s’agit d’un roman graphique pour la jeunesse et c’est un roman muet. Il raconte l’histoire d’un homme de sa naissance à sa mort à travers ce qu’il voit ; il s’agit d’un homme qui rêve de devenir cosmonaute à l’époque des débuts de la conquête spatiale. » Tom Haugomat y déploie avec plus de maturité encore son style minimaliste aux grands aplats de couleur, un style qui doit beaucoup à ses dires au cinéma japonais ainsi qu’aux estampes japonaises comme celles de Hiroshige. On y retrouve aussi ses personnages sans visage et pourtant empreints d’émotion. « Si on dessine les traits du visage, c’est ce que le lecteur va regarder en premier comme quand on s’adresse à quelqu’un dans la vraie vie. Quand ils sont absents, on est incité à regarder l’ensemble du dessin, la posture, le corps, l’environnement, qui sont eux aussi porteurs d’émotion. Cela permet au lecteur de se projeter davantage dans l’image, de mieux se l’approprier. Un peu comme quand on lit un livre dont les images trop précises nous empêchent de laisser libre cours à notre imaginaire. »
L'auteur
Nadine Vasseur est journaliste et écrivain. Productrice du magazine Panorama sur France Culture pendant quinze ans, elle est, par ailleurs l'auteur de nombreux livres d'entretiens et de livre d'art parmi lesquels " Les Plis" et "Les Incertitudes du corps" parus aux éditions du Seuil. Elle a publié en 2019 "Simone Veil. Vie publique. Archives privées" aux éditions Tohu Bohu.