Rencontre avec Denis Do, jeune prodige de l'animation
Jeudi 24 janvier, les étudiants en animation de l’Atelier de Sèvres ont rencontré Denis Do. Réalisateur et scénariste, il a reçu Le Cristal au 42ème festival international du film d’animation d’Annecy pour « Funan ». Retour sur son parcours.
Racontez-nous votre parcours…
Je ne crois pas avoir un parcours extraordinaire, bien au contraire. J'ai démarré en tant que dessinateur décor/layout sur Titeuf le film, en 2009. Par la suite, j'ai travaillé pour des commandes, beaucoup de storyboards de pubs ou de trailers de jeux-vidéos pour diverses boîtes. J'ai également exercé un peu en série animé. En 2014, j'ai travaillé surTout en Haut du Monde de Rémi Chayé, puis sur Zombillenium d'Arthur de Pins. Ensuite, j'ai commencé à travailler surFunan. J'oublie peut-être des choses... Mais je ne me préoccupe plus trop du CV. On travaille dans un milieu où l’on se connait presque tous. En conséquence, on sait à peu près qui fait quoi... Ce qui en général, facilite les choses quand on cherche du travail!
D’où vous est venue l’idée de « Funan » ?
L'idée qui entoure ce film, ce n'est pas l'image d'une ampoule qui s'allume. Tout cela est le fruit de toute une (courte) vie à écouter ma mère me raconter son passé. Des témoignages de la sorte, on n'en sort pas indemne. On se sent habité par tout ça, consciemment ou non. Puis un jour, on se sent prêt à se lancer. Pour ma part, c'était la simple réflexion très spontanée venant d'un ami, à Gobelins, durant notre dernière année.
Combien de temps avez-vous travaillé sur ce projet ?
Le projet s'est lentement mis en place. J'ai démarré tout seul, puis Michael Crouzat, l'auteur graphique et directeur artistique du film, m'a rejoint. Au début on avançait de manière un peu naïve, mais en étant empli de passion. Par la suite, sous les conseils de plusieurs professionnels, j’ai auditionné plusieurs scénaristes fraîchement diplômés du CEEA (Conservatoire Européen d'Ecriture Audiovisuelle). Si ma mémoire est bonne, Magali Pouzol, la co-scénariste du film nous a rejoint aux alentours du printemps 2011. À partir de là, artistiquement, les choses se sont accélérées. Tout seul, on ne rend compte qu'à soi-même et donc le rythme de travail peut parfois être chaotique si on n'est pas discipliné. Mais à plusieurs, on se sent obligé d'avancer, on n'est plus seul dans le bateau.
En 2012, Sébastien Onomo, le producteur, a signé le projet. Et fin 2013 on s' est attaqué au pilote avec beaucoup d'excitation car c'était une première étape vers la concrétisation. Par la suite, les partenaires finaux nous ont rejoint. En mai 2016, la production a commencé et duré environ 1 an et demi.
Que représente ce film pour vous ?
Beaucoup, évidemment. Simplement parce que son histoire est basée sur des événements vécus par ma famille. C’est un film mené depuis presque 10 ans dans lequel j’ai mis vraiment beaucoup d'énergie. Ce qui est étonnant, c'est surtout de se dire qu'un film, c'est impalpable. On s'est donné pour quelque chose d'immatériel.
Vous attendiez vous à tant de succès ?
Non, j’ai fini de remonter le film une semaine avant Annecy. Impossible d'avoir le moindre recul. Je me questionnais même sur sa pertinence. Heureusement que le public était là... Je m'attendais à rien du tout, j'étais déçu, torturé. J'avais terriblement peur. De me dire, qu'on me dise : « Tout ça pour ça.. »
J'aime beaucoup rencontrer les gens pour parler du film et écouter aussi des témoignages, des histoires. Je suis content que le film soit plutôt apprécié. Mais j'espère que ça sera bientôt terminé pour moi et que le film vivra par lui-même. C'est assez exténuant de le présenter partout (et de travailler à côté!)... Mais surtout, de s'exposer autant, c'est mauvais pour l'esprit, en tout cas le mien...J'ai peur de mes maladresses, d'en dire trop ou pas assez... Vivement que ça se termine !
Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour devenir un auteur-réalisateur ?
Je ne sais pas vraiment. Tout dépend du film, du récit, du projet. Il n'y a pas de profil je crois. En général quand on a du talent, la production vient nous chercher. Quand c'est plus problématique, comme pour moi par exemple, et je suis vraiment sincère dessus. On doit faire des efforts, ne pas abandonner, s'entourer, croire pour faire croire...Peut-être travailler 2 fois, 3, 4 fois plus que les autres...
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants ?
Ce qui est sûr, c'est qu'il faut de la patience. Ne serait-ce pour accepter que la recherche des financements prenne du temps quand on débute et que l'on n'est pas encore identifié. Et puis artistiquement, il faut aussi du temps à un projet pour gagner en maturité. Dans mon parcours, avant de faire le film, chaque expérience professionnelle a été utile. Il faut prendre et digérer le plus possible avant de faire le tri. Et la chose la plus importante peut-être, c'est d'être habité par son récit. Vouloir le raconter coûte que coûte.